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Le rêve qui a pris son envol

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Note de la réalisatrice.

 

Quand ma grand-tante Ruth Mesa est morte, je me suis fait la promesse que, le jour où je me sentirais prête, je retournerais dans le village dont elle avait peuplé l’imaginaire et rempli le coeur de toute notre famille, au travers des histoires de son enfance qu’elle nous racontait, toujours truculentes et hautes en couleurs. Je m’étais promis d’aller retrouver et de rendre hommage à ces femmes qui, comme ma grand-tante, incarnaient avec tant de charisme et d’authenticité cet esprit féminin si particulier de la culture de la région d’Antioquia, pour montrer une petite partie de la richesse et de la diversité de l’esprit féminin colombien.

 

Mon mantra, tout au long de ce projet, a été : « Rien à perdre, rien à gagner, tout à donner ». C’est ainsi que je voulais laisser comme cadeau à Jericó l’essence de sa mémoire féminine. C’était mon intention, le présent que je voulais lui faire.

 

Deux films ont grandement nourri la genèse de ce projet: Profils paysans, la trilogie documentaire de Raymond Depardon, photographe et réalisateur. Son dispositif, une caméra très neutre, sa décision de laisser la réalité émerger du cadre et son désir d’aller capter des réalités rurales dans une France en plein processus de transformation. Tout cela a sans conteste influencé et orienté ma façon d’aborder ce projet.

 

Tourbillon, un long métrage de fiction brésilien réalisé par Helvécio Marins Jr. et Clarissa Campolina. Sous couvert de fiction, les réalisateurs élaborent une histoire surréaliste et poétique. La magie du film repose sur la présence extraordinaire d’une femme âgée qui incarne son propre personnage.

 

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Guidée par ces deux oeuvres, je savais que je voulais réaliser un film conçu comme une fiction, mais dans lequel les personnages joueraient leurs propres vies. Le récit émergerait grâce à un travail de création et d’écriture fait en collaboration avec les femmes de Jericó. J’aime à penser que la ligne entre documentaire et fiction est très fine.

 

En littérature, je ne peux manquer d’évoquer et de rendre hommage au livre de Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace, qui m’a longtemps accompagnée. Les mots de Bachelard m’ont appris à accorder advantage d’importance à chaque détail de l’espace : tiroirs, armoires, table de nuit, cuisine, maison, etc., autant d’éléments qui sont comme une expression et une extension de l’être. Porteuse d’espoir, la psychanalyse de Jung met en avant l’existence d’un troisième terme, créatif et novateur, qui émerge de la tension, de l’union et de la combinaison de deux pôles opposés. Quelle capacité incroyable ont ces femmes à réconcilier les opposés dans leurs vies : douleur et humour, sensibilité et force, douceur et courage. Elles ne sont jamais victimes, malgré les adversités de leurs vies. Pour moi, la présence de ces femmes incarne l’émergence de ce troisième terme : la digne sagesse qui accepte et célèbre l’instant de vie tel qu’il est.

 

Le film invite à suivre un parcours délicat, au travers duquel se révèlent la sagesse, l’authenticité, la dignité, l’humour, la beauté et les audaces de l’esprit, l’énergie féminin que tous, hommes ou femmes, nous portons en nous, dans nos familles et dans notre culture.

 

Catalina Mesa.

 

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